Des papiers en tout genre ont pris possession de mon bureau. Et maintenant, ils revendiquent le droit de recouvrir également le plancher.

Ils sont en train de glisser tout doucement vers une autre pile qui est tout aussi précaire.

D’un œil attentif, je surveille ce mouvement de masse : est-ce les factures ou les idées qui exploreront en premier la surface inégale et jonchée d’embuches de mon plancher?

La compétition est féroce, au sol des cadres, des trépieds, des sacs et toutes sortes de bricoles occupent déjà une partie de l’espace.

Le risque est grand pour ces papiers qui rêvent de liberté et de grands espaces. Une déchiqueteuse occupe, occasionnellement, une partie de cette surface convoitée. En une bouchée, elle détruit tout sur son passage. Les lettres fondent, les mots se déchirent et le tout se retrouve en boule dans le fond d’un estomac ou encore cruellement abandonnée dans les coins de l’appartement. Baveux un moment, ces papiers fous deviennent sans intérêt.

Contrairement au Chat du café des artistes de Ferland, mes boules de papier ne resteront pas abandonnées, car les idées qu’ils contenaient auront déjà migré vers de nouvelles pages blanches confortablement cachées dans un cahier à l’abri de la déchiqueteuse baveuse à quatre pattes.

Toutefois, ces idées qui ont migré de feuilles volantes à mon cahier ont décidé de se cloner aussi dans une multitude de dossiers sur tous les disques durs de mon bureau. L’encre a tout bonnement coulé pour se transmuter en une série de code 0010101010.

Une autre révolution semble vouloir se manifester dans l’espace virtuel de mon écran. Subtilement l’invasion a commencé lors de la migration de différents ordinateurs vers un nouveau. Contrôlant le CMD C et le CMD V, ils se sont multipliés d’un dossier à un autre pour maintenant occuper chaque espace disponible.

Un événement marquant arrive à grands pas et il saura stopper cette révolution. J’ai confiance en lui, c’est sa spécialité de tout nettoyer, de nous faire croire que tout est possible, encore un peu.

Il apportera un mouvement de fraicheur, de nouvelles senteurs, une joie de vivre. Avec lui, je serai assez forte pour tuer dans l’œuf cette rébellion.

À l’aide de différentes armes, la chasse sera bonne pour bien remettre à sa place tous ces mots et idées qui fleuriront avec l’arrivée de cette saison bénie, le printemps. Et mes piles de papier accumulées durant l’hiver finiront par prendre le bord du chemin pour laisser la place à une nouvelle cellule dormante de la prochaine révolution du papier.

Le jour où j’ai eu envie d’aller porter mon chien sur le bord de la 40

Le jour où j’ai eu envie d’aller porter mon chien sur le bord de la 40

CLIC CLIC CLIC

CLIC CLIC CLIC

Comme une musique, mes doigts tapent sur le clavier, mon index monte et descend doucement sur la souris sans fil, tandis que mon pouce droit et mon majeur créent une légère pression sur celle-ci afin de lui donner une fluidité sur le bois de mon bureau. Mes yeux sont rivés à mon écran, il semble être le seul tableau ouvert vers un monde possible.

CLIC CLIC CLIC

 Ma photographie devient informe, on ne perçoit que des taches de couleurs, on pourrait croire à un tableau abstrait. Dans cette jungle de couleurs et de petits carrés, je chasse. Lunette sur le bout du nez, main agile, je fais glisser le curseur de gauche à droite et de haut en bas, le tout de façon méthodique. Aucune de ses particules ne doit passer au travers de mon inspection.

CLIC CLIC CLIC

Mon regard se fige, je change d’arme. Je tamponne, CMD +, CMD – , je fixe, est-ce que mes corrections altèrent mon image? Je deviens folle, je ne sais plus ce que je vois. Mais pour l’instant, plus de 20 d’abattues.

CLIC CLIC CLIC

Encore un peu, mes yeux louches. Des tasses s’empilent près de mon clavier, de ma souris et de ma palette. Je reste figée, sans trop bouger, seules mes mains sont actives. Tel un chasseur dans sa cache, je regarde chaque élément afin d’apercevoir le détail qui me signale de dégainer avec justesse sur ma cible.

BONG BONG BONG

On me fixe, on me regarde avec insistance. « Mais quoi, je n’ai pas le temps ». Mon regard retourne sur mon écran.

BONG BONG BONG

On me fixe plus intensément, la tête sur le côté, mon petit bâtard implore une sortie au parc. Il reprend doucement sa balle, la relance sur le plancher.

BONG BONG BONG

 Il me la colle sur la jambe. Il pousse la balle avec son museau, en la dirigeant vers moi. La reprend, la relâche.

BONG BONG BONG

Je lui caresse la tête et l’invite à se recoucher dans son panier qui est tout juste à côté et même en dessous de mon bureau. Il soupire, prend sa balle et se couche.

CLICLICLICCLICLICLICLICLICLICLIC

Je suis frénétique…

CLICLICLICCLICLICLICLICLICLICLIC

BONG BONG BONG

Quatrième tentative pour attirer mon attention à l’extérieur de ce monde de petits carrés. Je tends de nouveau la main vers sa petite tête, mais par je ne sais quel miracle, je lève les yeux vers le coin supérieur droit de mon écran.

« Quoi! Il est 20 h, pauvre petit chien. » Vite vite, je me lève. Je prends mon iPhone, une clope et mes clés. Je file mettre mon manteau, il court près de moi. On tombe presque, car l’excitation est à son comble. ON VA SORTIR AU PARC… Je me laisse porter par la joie de mon chien. Une sorte de soupape de tension.

Et hop…

Nous courons ensemble dans le parc. La joie est parmi nous, une neige folle est sous nos pieds (pattes). Elle crée un moment féérique. Je lâche la laisse et l’invite à courir comme jamais dans cette neige qui lui est offerte… Il saute, il creuse, il se retourne et il se frotte. Oh oui! Il se frotte dans cette neige. De petites pensées traversent mon esprit : «C’est bien mon chien, continue, ça va te laver un peu » ou « Épuise-toi mon chéri, dès que nous allons rentrer, tu dormiras. »

Je vais tout de même le rejoindre. Je cours avec lui. Je lui offre même un biscuit que j’avais dans la poche de mon manteau.

C’est bien de s’amuser, mais j’ai un deadline pour demain. « Aller mon chien, on rentre. » On revient tranquillement, il sent tout sur son passage, la vie est belle, nous sommes heureux.

Et hop.

On entre, on essuie les pattes et il part boire de l’eau.

Je touche, je retouche, encore et encore… les poches de mon manteau. NON! Panique, mon rythme cardiaque augmente. Mon petit bâtard revient, croit que je veux encore jouer. Je regarde partout, sous les bottes, dans les bottes, je retourne mes poches dans tous les sens, je regarde dans ma tuque, dans mes gants, sous le chien… Mon iPhone n’est pas là.

Je remets mes bottes, et tout mon attirail. Je ressors en courant, mais cette fois sans joie… je regarde dans tous les coins, je refais le trajet en entier et rien. Que du blanc aucun petit carré noir, pourtant j’avais bien pratiqué ma chasse. Depuis des jours et des heures que je regarde des formes floues semblables à cette neige folle qui se trouve devant moi. Mais non, rien de rien, pas de pixels noirs grossis à 400 % dans cette masse blanche.

Je rentre triste, je me sens nue, pourtant je porte beaucoup de vêtements, mais le sentiment reste. Je suis nue.

Entre temps, pour se faire plaisir mon petit bâtard a décidé de se créer sa propre neige dans la maison. Il déchiquète des tonnes de mouchoirs et de papiers, pris allégrement dans les poubelles.

Désespérée, je retourne chasser dans mon bureau. Qui sait, je vais peut-être apercevoir mon iPhone dans cette masse de couleurs… Bruno, le chien finira par venir me lancer sa balle, et me montrer avec fierté son nouveau manteau fait de boules de papiers.

Le 31 décembre 1982

Le 31 décembre 1982

Alors que je n’avais pas encore réalisé que c’était mon oncle ou mon frère qui s’était déguisé en père Noël quelques jours plus tôt, une jolie blonde voyait le jour.

En 1982, Thriller de Micheal Jackson tournait sur toutes les radios et l’Aventurier d’Indochine en faisait chanter plus d’un.

Je ne garde aucun souvenir de cette époque, mon visage avait surement perdu toutes ses taches de rousseur de l’été et je devais sauter partout en exaspérant la famille entière. Un de mes oncles essayait à coup sur de me faire taire, à cause de mon fameux « et pourquoi ci ? et pourquoi ça? » (qui ne m’a malheureusement ou heureusement jamais quitté). Pendant cette journée dont je ne me rappelle rien, une jolie blonde avait décidé que sa mère fêterait l’arrivée de 1983 à l’hôpital.

Une jolie blonde que je rencontrai quelques années plus tard, qui aujourd’hui nous émerveille et nous narre de fabuleuses histoires.

Pendant cette année 2013, nous avons rencontré des gens de partout. Pour ma part, j’en profite pour saluer toutes les personnes qui ont croisé ma route cette année, lors de mes déplacements (mes amis de France, ceux d’Inukjuak, ceux que je me suis fait à l’occasion des Rencontres Internationales de la Photographie en Gaspésie), sans oublier tous ceux que je croise régulièrement à Montréal et ses régions. J’ai une pensée particulière pour tous les gens que j’ai rencontré au centre de cancérologie de Laval, et tiens à les remercier pour la richesse de nos rencontres.

Et bien sur, tous ceux qui nous on suivi et lu.

En ce dernier jour de l’année 2013, Anna et moi tenons à vous souhaiter une bonne et heureuse année 2014.

Quelles résolutions allons-nous prendre pour 2014?

  • Continuer à vous raconter nos péripéties, qu’importe où nous nous trouverons.
  • Continuer à partager nos angoisses existentielles.
  • Essayer encore et toujours de vous faire sourire, avec entre autres des nouvelles recettes de médecine traditionnelle – ça me serait bien utile ce soir un remède Inuit pour guérir mon rhume… quelle idée de faire les soldes à moins 20 degrés !

D’ailleurs, voyons si Google peut me trouver quelque chose :

Les maux de gorge

Les airelles nature ou bouillies, de l’eau salée employée comme gargarisme ou le jus de la graisse du phoque barbu constituent de bons médicaments pour soulager les maux de gorge. Comme traitement externe, on frotte la gorge avec des feuilles de thé du Labrador avec ou sans graisse de phoque. Avant d’aller au lit, le malade pourra placer sur sa gorge de la viande de poitrine de lagopède ou encore une chaussette sale et malodorante.

www.avataq.qc.ca

Ok. Je crois que je vais juste faire un traitement à l’eau salée et aller chercher mes petites pilules à la pharmacie….

Mais j’oublie le principal: joyeux anniversaire Anna ! Profite bien de cette nouvelle année qui s’offre à toi et qui est déjà remplie de projets dont tu nous parleras bientôt ici.

Zut, la pharmacie va fermer…

La reine du sous-sol

La reine du sous-sol

Le mardi après-midi, c’est à nous. On parle, on jase, on se bouge les fesses à la zumba et on va au sous-sol d’église. Les mains dans la poussière et sous l’éclairage flatteur de la grande salle bordélique, on part à la recherche d’objets pour les projets de San et des bébelles pour la maison d’Annabelle.

Cette semaine, on devait trouver des chapeaux, des lunettes, des foulards, des robes, pis des manteaux. Tout ça parce que Sandra a encore plein d’histoires dans sa tête. Cette fois-ci, elle va se rendre au Centre de cancérologie de Laval. Toujours dans ces idées de grandeur. Rappelez-vous son souhait de conquérir l’Arctique?

Faque on a fouillé sous des tonnes de tissus tous plus bizarres les uns des autres pour trouver son bonheur. « Bouge pas Anna, tu peux enlever ton gilet et essayer ça, s’teplait?? Viens ici, j’ai besoin de ta tête pour voir c’est quoi ça donne ce chapeau? » Anna se sent un peu ridicule, mais pour la cause, elle se sacrifie. Résultat : Anna a l’air d’une ménagère frustrée de 1979, la touche glamour-kitsch-rétro-juste-assez-bizarre pour que tout le monde les regarde.

En échange de cette parade de mode improvisée et succulente, après être passées dans le rayon des vêtements (eh oui, ils vendent des sous-vêtements usagés dans les sous-sols d’église, mais on approche jamais du bac), les filles montent au 2e étage, enfin en haut, où se trouvent les meubles. Chaque fois, la même histoire se répète : quand Anna spotte des affaires, elle regarde Sandra : « On peux-tu faire de quoi avec ça? » C’est toujours Sandra qui les retape (elle est vraiment bonne avec ses deux mains), les utilise pour ses projets de photo et les redonne à Anna. C’est qui qui trouve le plus son compte là-dedans?

Nicole, dit Madame Nicole est la reine du sous-sol. Elle fait les prix à la tête du client, crie des ordres à ses disciples et nous donne même des conseils déco. « Tsé, les filles, ma sœur a acheté des grosses cruches à lait, pis elle a peinturé dessus les 4 saisons. C’est ben ben beau. Chez les antiquaires, ça vaut vraiment cher. Pis ste chaise-là, c’est du vrai  bois pis c’est ben solide. Tu peux mettre ça dans ton entrée. L’hiver c’est ben pratique. »

On avait spotté 2 chaises pis 2 p’tits bancs. « Pour les chaises, 4 $, pis les p’tits bancs, 5 $ Stu correct ça les filles? » Madame Nicole a le don de nous parler. On l’aime. Surtout quand elle crie.

De retour chez Anna, les mains pleines de vieilles affaires, on avait un problème. Pu de place chez Anna. Martin, Béatrice, Gilbert, Marie, Adrien se sont installés chez elle pendant l’été, pis là, plus moyen de placer nos belles bébelles. Elle a le cœur sur la main Anna et pouvait pas laisser ses personnages à la rue. On leur fait donc de beaux fauteuils.

On ira te revoir bientôt chère Madame Nicole. Sandra a besoin d’autres vêtements et accessoires pour un projet secret avec Anna. Pis des bébelles, on en a jamais assez. 

« Les hommes, c’est de la viande crue »

« Les hommes, c’est de la viande crue »

Je suis de retour dans la grande métropole. Déjà un festival et un lancement derrière la casquette… Ça va pas mal plus vite au sud. Faut dire qu’il y a un peu plus de monde au pouce carré. Après qu’il ait dévoré toutes les tomates de mon balcon, j’ai dit à Annabelle : « Check mon chien. J’ai besoin de grands espaces. » Depuis le temps qu’elle veut me le voler, j’ai eu peur qu’elle le fasse disparaitre.

Donc je suis partie pour une tournée rapide en Gaspésie dès mon retour d’Inukjuak. J’ai une expo en ce moment dans le cadre des Rencontres Internationales de la Photographie en Gaspésie, à Cap-Chat plus précisément. J’y ai effectivement rencontré des photographes, d’ici et d’ailleurs. Et des gens, qui visitaient les expos. Je parle de tournée parce que nous avons traversé la Gaspésie ensemble, d’expo en expo, pour découvrir les œuvres de tout le monde. Lors de ma présentation on m’a demandé : « Pourquoi deux femmes et un steak cru? » La seule chose qui m’est venue à l’esprit : « Les hommes, c’est de la viande crue. »

À mon dernier repas je veux voir mon prince charmant

De retour à Montréal, j’enclenche plusieurs projets, activités, et sorties. Faut dire qu’après deux mois de disette, les cocktails et le vin rouge des vernissages et des lancements m’ont manqué. Par contre, c’est intense de se retrouver dans un tout petit espace avec plein de monde dedans… Il fait chaud – car oui j’ai encore chaud, ça va surement passer. Il y a pleins d’odeurs, car il fait chaud, et il y a un peu moins de vent au sud pour dissiper tout.

Je regarde encore au loin, espérant croiser du regard un animal. À part des écureuils enragés et quelques chiens, rien de phénoménal pour le moment. L’espèce humaine me rassasie bien par contre. Il y a toute sorte de monde à Montréal… des petits, des grands, des barbus, des gros, des chauves, des jolis, des gentils etc. Le souci avec cette espèce, c’est que ça parle. Mais c’est correct, je suis bavarde. Petite, mon père pariait avec moi que j’arriverais pas à me taire pendant deux minutes, le tout pour un beau deux piastres en papier que je n’ai jamais eu…

Deux mois de marche à porter mon appareil photo dans le coup… Résultat des courses : une visite chez l’ostéopathe. Mon dos c’est de la compote. Pas super quand tu dois reprendre le boulot… Ben oui il le faut bien…  Je reprends le métro, boulot, dodo. Mais j’ai plus d’une carte dans ma manche. Trois projets qui s’enclenchent en même temps. J’aime ça être overbookée.

Mes prochaines aventures de création se dérouleront dans un centre hospitalier, à Laval. Vous allez me dire que c’est moins exotique qu’Inukjuak, Laval. Ça reste à voir. Je vais également créer des décors en tout genre et vous inviter à venir faire tirer le portrait. Et pour finir, je vais bosser avec des femmes qui auront pas mal d’histoires à raconter…

Back to the renard

Back to the renard

Ça y est. Le miracle a eu lieu : Sandra et Annabelle ont passé leur première soirée ensemble depuis le mois de juin. Ensemble dans la même pièce avec des amis pis de la bouffe. Parce qu’on a fait une grande bouffe pour le retour de Sandra d’Inukjuak. Elle a pris l’avion dans l’autre sens. Vers le sud. Deux arrêts, et hop Montréal en gros plan.

Annabelle était stressée. Elle avait préparé un bon repas pour sa copine. Sandra avait 2 demandes : des fruits et légumes et de la bière frette. Il y avait d’autres amis dans la pièce, on a ri, on était gênés parce que ça faisait longtemps qu’on s’était pas vus et qu’il était lundi soir, tard.

La première chose que Sandra a dit en arrivant dans sa cuisine (Annabelle avait tout préparé et attendait dans le noir) : J’ai chaud! Après 7 semaines dans le Grand Nord, Sandra bouillait dans la ville. Mais c’était quand même la plus bronzée de nous autres. On la soupçonne de s’être transformée en renard à cause de sa peau d’or. D’ailleurs, elle a rapporté dans ses bagages une peau de renard roux. Elle sent un peu bizarre — la peau, pas Sandra —, mais on va l’utiliser pour nos prochains projets.

Parce que des projets pis des idées on en a à la tonne. Vous pensiez que Check mes tomates durerait seulement l’été? Ben vous vous trompez. C’était juste un début. Sandra a des expos de prévues et des projets en branle et Annabelle peut pas laisser tomber Martin, en plus Montréal, l’automne, c’est ben beau.

AnnaSan

La traque…

La traque…

Je sens en moi le désir d’aller voir le territoire à la recherche des caribous.

Hier, une autre journée sous le soleil. Nous avons enfin un semblant d’été. Par contre, ça ne vient pas sans inconvénient : les moustiques. Pour ceux qui pensent un jour venir dans le Grand Nord, achetez pour une survie sans transfusion « Great outdoors » de Watkins. Disponible dans toutes les grandes surfaces.

Bref, pour faire changement, je suis allée me balader. Je suis sortie du village pour m’aventurer vers la toundra. Il y a tout de même un chemin. Je ne suis pas folle, je ne vais pas sortir des sentiers battus, comme ça. Personne ne sait quand je pars ou quand je reviens, donc si je me perds, personne ne va le savoir. Peut-être mes amis au Sud, mais ils vont penser, je crois dans un premier temps, à une coupure du service internet plutôt qu’à une disparition soudaine dans la toundra. Je vais avoir le temps de mourir et de perdre tout mon sang avant que quelqu’un me trouve. Je reste donc dans les espaces où une route est encore visible.

Je me suis rendue au lac, le premier le long de cette route. Car ce n’est pas ce qui manque des lacs dans le coin. Je regardais la nature s’épanouir sous le soleil, je marchais tranquillement en observant des souris des champs se chamailler. Quand tout à coup, en me relevant la tête, je vois devant moi un caribou. Surprise, car je n’en avais pas croisé près du village depuis le début de ma résidence. Ceux que j’avais vus étaient à plus de 2 h 30 de canot. Donc, il était là devant moi à me regarder l’air de dire que fais-tu là. Excitée comme une folle je prends mon appareil photo qui pendait à mon cou et je commence à faire des photos. Ce con il s’est mis à bouger et j’ai du le suivre. Je continuais à prendre des photos de lui, comme si le pape en personne était devant moi.

Toutefois, j’en ai oublié toutes mes notions de photographie, je ne pensais qu’à le suivre. Mon appareil était réglé comme toujours sur le mode manuel, j’en oubliais de changer ma vitesse d’obturation, ma mise au point et ainsi de suite. Une vraie gamine, devant ces cadeaux à Noël. Je le suis, je cours toujours avec mon appareil dans le cou. Il passe une butte, je le perds. Bon il faut dire que ça va plus vite que moi ces bêtes-là. Je me mets à regarder partout. Je le vois sur une colline devant moi. Je le regarde, il mange. Je suis en pâmoison. Je regarde au loin s’il n’y a pas de chasseur dans le coin, question de leur signifier la présence de la bête. Un VTT était en vue, je les fais s’arrêter et leur demande : « Vous êtes des chasseurs? Il y a un caribou juste là ». Un mec débarque et me dit : « Où ça? » le caribou était parti. Je croise un autre chasseur, je lui dis ma découverte comme si celle-ci valait de l’or. Il me regarde et me dit : « Il y a en beaucoup juste là derrière, je viens justement d’un tuer un. Je cherche ceux qui sont un peu plus en chair. » Ma découverte faisait tout simplement partie d’un lot…

Les week-ends à Inukjuak.

Les week-ends à Inukjuak.

Il pleut, j’irais bien au cinéma ou au théâtre. Mauvaise réponse. Il n’y a pas de cinéma, pas de théâtre, pas de restaurant et même pas de « dance floor » à la salle communautaire. À vrai dire, le village est assez désert. Pendant la période estivale, beaucoup de gens quittent le village, ils vont dans leur campement, ou plus au sud, ou encore dans un autre village du Nunavik. Pour ceux qui restent, le week-end est l’occasion de partir à la pêche, à la chasse, ou tout simplement d’aller camper dans les îles. Comme je ne possède ni canot, ni VTT et encore moins de tente, je ne peux pas partir les week-ends à la découverte du territoire.

Il me reste comme divertissement les balades, pour photographier le paysage, la lecture (merci Annabelle de m’avoir donné plein de livres à lire, même si j’arrive déjà au bout de ceux-ci), la télé (après avoir revu X-Men trois fois, et comme les canaux intéressants sont bloqués, je regarde des séries que j’ai déjà vu), et internet sur lequel tu ne peux pas regarder de vidéos, car la connexion est trop lente. J’ai une petite radio – oui oui ce truc qui capte le Fm et le Am, mais je capte que deux fréquences, soit le canal Fm du village qui ne fonctionne pas le week-end, car tout le monde est parti, et CBC Nunavik.

Une chance que j’aime ça la musique country. Je réussis par moment à me connecter à la première chaine de radio Canada via internet, car le week-end la connexion est meilleure. Il n’y a personne sur le réseau. Il faut savoir qu’ici le réseau est fourni par satellite, donc par mauvais temps (ce qui arrive régulièrement ici), la connexion est interrompue. Il y a une semaine nous avons été coupés durant plusieurs jours.

Pour me changer les idées, je me suis rendue à la coop pour faire mes courses. Parenthèse, quand je fais mes courses, j’achète des provisions seulement pour deux ou trois repas. Faut dire que ça fait partie de mes activités de divertissement d’aller acheter à manger. Donc, je me suis rendue à la coop faire mes achats. Au moment de payer, je sors ma carte et on me dit : « Désolé, pas de réseau, pas de paiement par carte ».

En plus, tout est fermé le dimanche.

Une chance que Raisa soit là. On parcourt ensemble les étendues de roche et on s’extasie sur les champs de petits cailloux parmi les masses impressionnantes des grands rochers, on discute de leurs couleurs et de leurs formes particulières. On va voir les chiens, on caresse leurs bébés, on discute avec les enfants qui jouent, et on recherche des animaux : ceux que l’on trouve sont le plus souvent morts. Hier soir, nous avons soupé ensemble et dansé dans le salon sur la musique entrainante de CBC Nunavik. C’est bizarre à dire, mais ici je préfère les lundi…

duck

La chasse

La chasse

Finalement, je suis allée à la chasse aux phoques.

Ce n’est pas parce que j’avais de nouveau mal à l’oreille que j’ai décidé de partir chasser le phoque, le caribou et les canards, mais plutôt une envie de voir un peu du pays. Avec mon amie Raisa (une femme très gentille qui est arrivée à peu près en même temps que moi à Inukjuak), nous sommes parties à l’aventure : bottes de pluie, manteau, chaussettes chaudes et pleins d’autres trucs pour notre survie.

Nous n’avions aucune idée de l’endroit où nous allions chasser. On s’est glissées dans le canot et on s’est laissées porter par la conduite assurée de Moese notre guide. Premier arrêt : une île. Bien oui, on est dans la baie d’Hudson. On s’arrête le temps de prendre le thé et on en profite pour partir à la découverte de ce petit bout de terre. On voit quelque chose au loin.  « Un lapin !». On regarde. Ça bouge. C’est ben plus gros qu’un lapin… Il est loin : « Non c’est un renard », dit-elle. On regarde, on observe, il y en a plusieurs. Ils entrent dans leur terrier et ressortent plus loin. Ils se jouent de nous.

Soudain, il y en a un qui décide de courir vers nous. On se regarde, on se demande en même temps : « C’est dangereux un renard? » On ne sait pas, donc on court … On retourne au canot et on y rencontre de nouveaux amis qui vont nous accompagner au campement de chasse : Bob, son fils et l’ami de son fils.

On repart en direction du campement, toujours aucune idée d’où il peut bien se trouver à vrai dire, je me demande réellement comment ils s’orientent sur cette vaste étendue d’eau. Le brouillard s’installe, on ne voit rien. Inquiètes, on se dit : « Ils doivent savoir s’orienter ». Après une heure, je crois, on arrive. On sort tout et on commence à monter les tentes. Je dois vous avouer que je hais ça dormir dans une tente. J’ai trop d’imagination. C’est pas mal utile pour mon métier, mais pas pour dormir dans une tente dans le noir avec toutes sortes de bruits environnants. Mais là, pas d’arbres, pas d’herbes, que des roches et la nuit qui est très courte, de minuit à 4 h environ. Sans compter les 6 chasseurs qui savent quoi faire si un animal arrive. Bref, de quoi dormir tranquille. Le seul hic, c’est que c’est quand même pratique un arbre pour se cacher quand tu veux faire tes besoins.

Mon souhait le plus grand était de voir des phoques. Eh bien au matin, le soleil brillait et un phoque a pointé son nez dans la baie calme pour nous dire bonjour. Dommage pour lui, on a sauté dans le canot pour le chasser. Après deux heures et demie, on revient sans phoque. Ça nage vite ces bêtes-là, et comme il n’y a que la tête qui sort de l’eau, pas facile de le shooter.

 Une autre aventure dans le canot, on a pris la direction du bol de toilette (c’est comme ça qu’ils appellent cette endroit, à cause de sa forme en cuve). On part à la chasse aux caribous. Tout le monde scrute les ilots de terre à la recherche d’un panache qui dépasse. Toujours dans le canot, on en aperçoit un. On s’approche, il est au bout de l’île. Je me dis : « Il est pris, il va s’enfuir de l’autre côté ». Pas vite la fille, ça nage un caribou. Sinon comment veux-tu qu’ils passent d’une île à l’autre? Pour ma défense, je suis habituée avec les orignaux et les chevreuils dans le bois… Il saute à l’eau, on s’approche et on le tire. J’ai vu le caribou courir, sauter, nager, flotter, être tiré hors de l’eau, sur le dos, avec pu de peau, avec pu de tête et pour finir en petits morceaux. Il faut bien qu’il rentre dans le canot.

En ce qui me concerne, la chasse fut très bonne : 1500 shoots pour une prise de plus de 32 Go.

Photos de brouillard

Photos de brouillard

Il y a pas juste Sandra qui est capable de faire des photos de brouillard. Figurez-vous que je m’y suis mise aussi. Le brouillard dans le brouillard, des bottes dans le brouillard, des roches dans le brouillard, de l’eau dans le brouillard. C’est infini. Je pense que je suis prête à aller faire un projet photo à Inukjuak.

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