Mes princesses

Mes princesses

Mon projet se développe enfin.

J’ai réussi à me trouver quelques princesses. Je m’étais inventé toute une histoire sur une femme qui attend désespérément son fiancé. Bon, je me complique souvent les choses. J’ai écrit tout un scénario, dans lequel il y avait ben du monde et ben des shots. On allait partout, on faisait un film. Un peu mégalo la fille. On se calme, on regarde ce que nous avons entre les mains et on analyse. Ce que je n’ai pas: une équipe, du matos d’éclairage, des techniciens et d’autres affaires. Par contre, ce que j’ai à disposition et que j’ai souvent pris en photo depuis le début de mon arrivée : de magnifiques paysages. On va faire avec ça et je dois avouer que c’est déjà beaucoup.

J’ai rencontré Penina, une adolescente du village qui a accepté généreusement de faire des photos avec moi. Nous avons commencé par faire sa tenue, car lors de la confection j’avais encore l’idée de faire mon projet de princesses éplorées. On passe une journée entière à trouver de la fourrure, des accessoires et l’essentiel: un parka. On a coupé, cousu, arrangé et préparé les mises en scène. Nous avions prévu  de commencer les photographies dès le lendemain.

 

Pas de chance pour nous, le soleil nous a boudés, et ce pendant plusieurs jours. À un moment donné, le soleil a daigné faire acte de présence. On est parties heureuses vers la toundra. Je voulais pour une des photographies des bois de caribous. On s’est rendu dans la toundra en VTT à la recherche de ceux-ci, on en a vu au loin. Penina m’a dit : « je vais aller les chercher avec le Honda ». Elle a pris la direction des bois de caribous. Tout d’un coup, j’ai remarqué qu’elle n’avançait plus. Le VTT a été englouti dans la boue. Elle a été prise, incapable de sortir de là. On a dû rentrer au village, chercher de l’aide. Après 1heure de marche, on est enfin arrivées au village. Son père n’étant pas là, on dû attendre le soir venu pour retourner chercher le VTT.

La journée de shooting était donc à l’eau, ou plutôt dans la boue.  J’ai appris au même moment que Penina partait pendant plus de 15 jours pour des compétitions sportives. Retour à la case départ, j’avais plus de modèle. Heureusement, elle m’a présenté sa cousine.

 

J’ai du recommencer tout le processus. C’est à ce moment là que j’ai réalisé que j’allais faire simple. Je dois avouer que c’était ma meilleure idée depuis le début de cette résidence. De plus, mon nouveau modèle n’a que 13 ans et sa copine qui par le fait même a accepté de faire les photos a le même âge. On ne possède plus de VTT, on doit tout faire près du village. Ça a bien donné, je commençais à savoir part cœur où trouver les beaux spots et les plus beaux chiens. Dans le fond, je me suis dit : « Des roches c’est beau, la plage, ça fait rêver, on va donc faire les photos là ».

deuxfillesgrise

Vous avez chaud, j’ai frette…

Vous avez chaud, j’ai frette…

OK! OK! Il faut chaud à Montréal…

Depuis quelques jours, tout le monde me dit : « J’ai chaud… »

Ben moi j’ai une plage, de l’eau, de magnifiques paysages, mais en moyenne il fait 7 degrés. Les Inuits me disent : « ça fait longtemps qu’on a pas eu un été aussi froid ». YEAH! Il fallait que ce soit quand je suis là.

Bon, il n’y a pas de moustiques pour le moment. Quand il fait froid, ça se reproduit pas ces petites bêtes-là. C’est pas plus mal, car si en plus de geler je devais me faire pomper le sang par des moustiques de la grosseur d’un taon, là je vous promets que je trouverais ça moyen. J’ai l’âme d’une aventurière, mais de là à me faire vider de mon sang par un petit truc noir avec des ailes et non par un super beau vampire… (Ben quoi? Ils sont pas laids du tout dans True Blood. Je dois bien me divertir et j’ai le câble ici!)

La température ne m’aide pas tellement pour faire mon projet… Des rafales à plus de 60 km/h ,7 degrés et de la pluie. OK, je peux faire des trucs avec cette température. Mais là ce n’est pas la température dont j’ai besoin pour mes photos. Depuis 3 jours, je prie le petit Jésus, ça l’air qu’il ne m’entend pas. Peut-être parce que ça fait un boute que je ne suis pas allée me confesser. Je réfléchis et il me semble que je n’ai rien fait de grave. Dimanche dernier, je suis même allée à la messe. Je n’ai rien compris, mais je me suis mise à genou quand tout le monde le faisait et ainsi de suite. Le petit Jésus est polyglotte il me semble. Bref… Mon problème est toujours là.

Je n’ai jamais autant été connectée sur le canal météo. Mais la meilleure façon de connaître la météo c’est de demander aux Inuits. Ils regardent le ciel, d’où vient le vent et te disent s’il va pleuvoir ou pas et c’est vrai. Je me suis donc souvenue des prédictions météorologiques de mon père. Je me suis dit : « Je viens du fin fond de la campagne, j’ai appris à lire les signes. » Je me suis ainsi remémoré des phrases que disait mon père ou mon grand-père: « si les vaches sont couchées, c’est qu’il va pleuvoir. » Pas vue de caribous couchés dans le champ d’à côté. »  « Si les feuilles sont retournées, c’est que la tempête va venir.» La toundra ça bouge pas beaucoup. Mon père disait aussi : « Lorsque le soleil se couche et que tout est rose et rouge, il va faire beau le lendemain ».  Bullshit, regardez ma photo d’hier, le ciel est tout rose, et ce matin : pluie. Je vais plutôt me fier aux gens d’ici au lieu d’essayer de  jouer au météorologue.

De « Young people » à « Une princesse de l’arctique »…

De « Young people » à « Une princesse de l’arctique »…

De toute façon je ne l’aimais pas ce titre.

Après de nombreuses balades à la découverte des chiens, des recettes médicinales et d’une visite à l’hôpital, je n’ai pas réellement avancé sur mon projet. J’avais plein d’images dans ma tête. J’avais envie de conquérir l’arctique avec mon appareil au cou. Bon après deux semaines, je me calme un peu. « OK, c’est pas si facile que ça. »

Malheureusement pour mon projet, je ne suis pas photographe paysagiste, je prends presque pas de photos quand je suis en vacances.  Certes, je suis capable de faire des photos de paysages, mais à un moment donné je me tanne… Des oiseaux, des roches, des collines, des plantes et encore des oiseaux. Je préfère garder ces images-là dans ma tête.

Bon pour le projet, une idée m’est venue. Je me suis dit : « pourquoi ne pas utiliser un conte ou une légende d’Inukjuak. » J’ai cherché auprès d’aînés des histoires du village à me mettre sous la dent. Question de me simplifier la tâche, je cherchais une histoire qui parle d’une femme héroïne.

Des fois, je ne réfléchis pas tellement : ça ne fait même pas 35 ans que le village existe! (constitution : 7 juin 1980). Je ne me dis pas bravo sur ce coup.. Des contes et légendes sur un village qui a à peu près mon âge… Et des histoires de femmes… Ben je n’en ai pas encore trouvé, les aînés n’en avaient pas à propos d’une femme héroïne (petit détail, j’ai eu l’aide d’un interprète, car non je ne parle pas inuktitut après deux semaines). Je me rends compte que ça ne marche pas ce que je veux faire, je dois trouver de nouvelles idées, du moins une bonne idée. Parce que le projet avec les ados, ben ça marche pas non plus.

Me voyant stressée et dans ma tête, Mary me propose d’aller rejoindre son mari avec elle au shack, il est en train d’installer le filet à pêche. YEAH! Je me suis dit : « je vais faire de la photo d’humain en action. Si je ne trouve pas d’idée j’aurai quand même fait un peu de photo autre que du paysage ».  Ride en VTT et découverte d’un nouveau coin. Le filet est déjà installé. « Zut mes photos! » Je suis un peu sur le cul, le paysage est à couper le souffle. Ben devinez quoi, j’ai fait de la photo de paysage…

Pour en revenir au projet, je me suis quand même vidé l’esprit en respirant l’air marin assis sur une roche à la plage, il ne manquait que quelques degrés pour que tout soit parfait. Je n’avais jamais pratiqué la plage en été avec ma tuque. Je pense à mon plan numéro 2… Je vais la faire mon histoire, je vais la créer mon héroïne, ma princesse de l’arctique. Je fais tout le temps ça, inventer des histoires. Wow! C’est que j’aurais presque du génie aujourd’hui…

Ça va se débloquer, je crois… Je dois trouver les éléments qu’il me faut. Des canards en plastique, des lampes ancestrales, des ulus, un parka avec du poil et ben d’autres affaires. Et là je crois que je vais bien faire rire les Inuits parce que je veux faire une scène d’hiver et il n’y a pas de neige. Je vais en fabriquer.

Je me fais des photos dans ma tête

Je me fais des photos dans ma tête

J’ai beaucoup d’idées pour ce projet. Il y a plusieurs mois que j’y pense. Mais le plus important pour moi est d’aller à la rencontre des jeunes d’Inukjuak. Je vais visiter dès les premiers jours la maison des jeunes pour aller me présenter et commencer à échanger avec eux. Sur qui ils sont et qui je suis. Je veux les connaître et qu’ils se sentent impliqués dans la création du projet.

Je puiserai dans leur imaginaire et m’en inspirerai pour mes photos. Pour l’instant, je m’imagine intégrer des éléments du Nord : couleurs franches, paysages lunaires, lumière douce. Et inversement, j’aimerais que les jeunes partagent avec moi leur vision du Nord, mais aussi les idées qu’ils se font sur le Sud.

J’aimerais créer de toutes pièces des tableaux, des mises en scène (décalées comme toujours dans ma pratique) qui expriment la beauté du quotidien des jeunes du Nord. Mon souhait serait de réussir à la fois à impliquer les adolescents et les adultes dans la création du projet. Bref, je veux raconter des histoires avec les photos que je me fais dans ma tête.