Jack et Dalida

Jack et Dalida

2015-04-14 12.45.56J’aime les chambres d’hôtel. Leur anonymat relatif ou au contraire leur exubérance kitsch, et les Vietnamiens s’y connaissent bien en kitsch, vous pouvez me croire, ici, c’est un sport national. Depuis Ninh Binh, région magnifique au sud d’Hanoï d’où je vous ai écrit mon dernier billet, j’ai trotté pas mal et échoué dans de nombreuses chambres d’hôtel, de guesthouse ou de homestay (chez l’habitant ou bed and breakfast, comme on dirait chez nous).

Je suis aussi plus bronzée, Centre et du Sud du Vietnam oblige, car il a bien fallu que je quitte le Nord que j’aimais tant. Mais je suis triste : il me reste un peu moins de deux semaines en sol vietnamien. Ah non! Pas déjà. Je ne veux plus jamais, jamais partir. Chaque fois, c’est pareil, je m’attache et je dois me déchirer après. Moi, j’en peux pu. C’est décidé, je reste ici pour toujours. Dans ma chambre d’hôtel bizarre de Vung Tau, une ville même pas belle ou le fun. Mais je suis ici et j’y reste. Bon.

En fait, je devais prendre un bateau hier soir pour me rendre sur les îles Con Dao, mais en arrivant dans ce faux Miami désuet vietnamien sans charme, Vung Tau, dis-je, la gentille dame du traversier, m’a expliqué que le ferry avait été réquisitionné par l’armée. Et comme il n’y a qu’un seul bateau par jour et que je ne suis pas un militaire, ben, je dois attendre le lendemain. Le hic, c’est que la traversée dure 12 heures (en temps vietnamien ce sera plus long), je perds donc une journée complète. OK, j’ai du temps, et je le prends depuis le début de mon voyage, mais là, mon avion décolle tout de même de Saigon le 1er mai… c’est bientôt, très bientôt.

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Ça fait quelques jours que j’ai commencé à sentir une petite urgence me pogner là où ça fait mal. Je relaxais pas mal depuis février, prenant vraiment mon temps à chaque endroit, y restait plus longtemps qu’il fallait pour bien sentir tout ce que j’avais à sentir, mais l’urgence me rattrape et ce contretemps me fait un peu bouillir le sang. Surtout qu’hier matin, j’ai pris un bus à 5 h 30 de Mui Ne pour arriver à temps… Peine perdue, je balade dans les rues de la ville vide depuis hier.

Être coincée dans un endroit bizarre me fait repenser aux dernières semaines et aux personnes rencontrées. Comme Jack, le motard avec lequel j’ai passé 5 jours dans les montagnes au début de la semaine et qui était totalement sous le charme de Dalida (surtout « Je voudrais mourir sur scène ») quand je lui ai fait connaître. Il voulait continuer toute la nuit à boire des bières et écouter la belle Égyptienne se déchirer d’amour. Les Vietnamiens, et Jack (de son vrai nom Khuong) n’y échappe pas, adorent les chansons d’amour. Dans la rue, les voitures, les KARAOKÉS, partout, des chansons d’amour. En vietnamien surtout, un peu en anglais, parfois en espagnol. De nombreuses reprises de chansons françaises, mais l’amour, l’amour partout.

C’est comme l’autre matin, Jack, encore lui, m’a emmenée dormir dans un petit domaine à Di Linh. Le proprio sud-coréen a été policier en Belgique et parle un français impeccable avec ce magnifique accent belge tonique. Il est marié à une Vietnamienne charmante et leurs bungalows sont entourés de plantes, fleurs, arbres incroyables, et c’est tellement beau que je me suis réveillée et des mariés, la femme en robe vert flamboyant et son futur en blanc brillant, se faisaient prendre en photo dans ma cour. Tout le monde est parti à rire, moi mon pyjama sur le dos, et les mariés et le photographe, sourires éblouissants. Quelques minutes plus tard, un autre couple, l’homme aussi en blanc et la femme tout en rose, mauve et crinoline, se sont étendus devant mon bungalow. Kitsch, oui, et l’amour et les mariages partout, tout le temps. Le Vietnam c’est ça aussi.

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Mais seule dans ma chambre d’hôtel, le temps est propice à la réflexion, la lecture, l’écriture. Dehors, il fait une chaleur étouffante, près de 40 degrés aujourd’hui, et Vung Tau n’a pas le charme des petites villes de bord de mer ou des villages de montagne. C’est très cher, les avenues sont larges, et la circulation est supportable, mais c’est un Vietnam plus aseptisé, policé pour les riches Saigonnais qui viennent ici la fin de semaine échapper à la touffeur de leur ville. J’ai hâte de retrouver les marchés locaux, les villages de pêcheurs, les plages désertes et la proximité avec les gens. Finalement, je vais quitter Vung Tau et continuer mon voyage. Con Dao, on a rendez-vous demain.

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